Tour du monde terminé ! Armel Tripon est arrivé aux Sables-d’Olonne. En se faufilant entre deux grosses tempêtes dans la nuit noire, L’Occitane en Provence a franchi la ligne d’arrivée du Vendée Globe aujourd’hui lundi 1er février 2021, à 7h27. Armel Tripon est superbement entré sous voiles avec son grand soleil de Provence dans le mythique chenal. Il prend la 11e place du tour du monde en solitaire sans escale après 84 jours, 17 heures, 7 minutes et 50 secondes de course, un an après jour pour jour la mise à l’eau de son bateau. Nous l’avons interrogé après les honneurs du ponton et de la conférence de presse…
Après une dernière nuit de tempête au cours de laquelle il a affronté des creux de 6 mètres et des rafales de vent qui sont montées jusqu’à 55 nœuds, Armel Tripon a bouclé le Vendée Globe. Il a réussi un tour du monde en solitaire, sans escale et sans assistance. Après avoir patienté au large du Portugal, puis de l’Espagne pour laisser passer la partie la plus dangereuse de la tempête Justine, Armel avait décidé de s’engager entre deux dépressions très creuses levant une mer très grosse dans le golfe de Gascogne.
Accueilli comme un vainqueur
Juste après avoir franchi la ligne, après 84 jours et 17 heures de mer, L’Occitane en Provence s’est même présenté sous grand-voile et tourmentin dans le port des Sables-d’Olonne. Armel Tripon est entré à la voile, à l’ancienne, entre les deux jetées. Du grand spectacle, salué par de nombreux spectateurs à leurs fenêtres et sur des bateaux, sous le halo des projecteurs et au son des cornes de brume.
Une des particularités du Vendée Globe est que chaque marin qui réussit le tour du monde est accueilli ici comme un vainqueur. Tout sourire en retrouvant sa famille, ses proches, son équipe, son partenaire L’Occitane en Provence, la direction de course, Armel a ensuite satisfait aux exigences médiatiques de la conférence de presse avant de s’isoler un peu avec nous pour un entretien plus personnalisé. Voici cet entretien :
Armel, c’était joli cette arrivée à la voile dans le port ! Et tout ce monde venu t’accueillir après plus de 84 jours tout seul en mer autour de la planète…
« Oui c’était chouette d’arriver à la voile à l’intérieur du port, c’est vrai ! Il y avait beaucoup de mer dehors, c’était dangereux pour les semi-rigides. Alors nous avons pris cette décision avec l’équipe que j’entrerai comme ça, avec mes deux voiles et qu’on ne les affalerait qu’une fois à l’abri du port. C’était la meilleure chose à faire du point de vue de la sécurité… et il se trouve que c’est joli à voir en effet. Mais le plus dingue, c’est le contraste entre la solitude depuis 84 jours et tout ce monde d’un seul coup. Franchement je ne m’attendais pas à ça ! »
Surtout qu’avec la tempête tous les bateaux spectateurs ne pouvaient pas sortir au large et t’attendaient dans le chenal ?
« Oui ! Sur la ligne il n’y avait que deux bateaux, alors je m’attendais à une arrivée en petit comité. Et en arrivant dans l’entrée du port, tu vois qu’en réalité il y a plein de monde, des projecteurs, des bateaux partout, les sons des gens qui tapent sur leurs casseroles aux fenêtres, les cornes de brume… La transition est assez énorme. Et puis, forcément, il y a beaucoup d’émotion à retrouver les enfants, la famille, les copains. Tous ceux que j’aime et que je n’ai pas vu depuis 84 jours.»
« Je n’avais plus rien à manger, mais j’aurais bien rallongé le plaisir de 15 jours ! »
Tu as pris la décision de passer entre deux tempêtes pour boucler ce Vendée Globe. On imagine que ta dernière nuit en mer a été sportive ?
« C’était tendu ! Déjà parce qu’il fallait éviter de nombreux pêcheurs et cargos et que la mer était grosse : environ 5 à 6 mètres de creux. Heureusement, la houle était longue. C’était tendu aussi parce que j’avais un timing à respecter : il fallait absolument que j’arrive avant 9 heures pour avoir une chance de rentrer dans le port avant ce soir, à cause de la marée. Je devais donc doser l’effort sans être lent alors je n’ai pas arrêté de réduire et de renvoyer de la toile. La mer était praticable car longue mais de temps en temps, une vague scélérate arrivait par le côté et faisait partir le bateau en vrac, au lof. J’ai affronté mon plus gros coup de chien du tour du monde ici, en arrivant ! En même temps c’est très beau la tempête. Hier après-midi j’ai eu droit à un épisode où le ciel est passé du bleu au gris sombre en un instant. La mer est devenue blanche et j’ai eu 54 nœuds de vent. C’est beaucoup. »
Tu as dit pendant la conférence de presse officielle que tu avais pris beaucoup de plaisir, que tu t’étais bien entendu avec ton bateau et que tu aimerais ‘revenir dans quatre ans pour gagner’. Mais n’a-t-il pas été dur et long ce tour du monde ?
« Honnêtement : non. Je n’ai pas trouvé ça dur et je n’ai pas trouvé ça long. Je me suis senti très bien sur ce Vendée Globe. Certes, la fin était un peu pénible à devoir attendre pour laisser passer le coup de vent, surtout que je n’avais plus rien à manger. J’aurais bien prolongé le plaisir de quinze jours, une petite boucle vers les Antilles par exemple (rires) ! Ce qui est sympa évidemment c’est de retrouver tout le monde et aussi de ne plus être sur le qui-vive tout le temps, de ne plus être concentré en permanence, aux aguets. Bien sûr il y a eu des moments difficiles, mais je ne dirais pas que l’ensemble a été dur. Ce qui a été compliqué à vivre, c’est quand un hook casse et que je perds une grande voile d’avant dans le Pacifique alors que j’étais sur le point de revenir sur le paquet des tous premiers. Sans cette avarie je revenais à seulement 200 milles et je pouvais jouer avec eux. Là oui, c’était un moment difficile à encaisser parce qu’à ce moment-là j’avais repris énormément de milles.»
Au départ sur avarie et à la fin du parcours pour cause de tempête, tu n’as pas eu de réussite sur l’Atlantique Nord. Mais L’Occitane en Provence a été le plus rapide de la flotte entre l’équateur aller et l’équateur retour…
« Cela veut dire que nos choix avec Sam Manuard (l’architecte) étaient pertinents. Je pense qu’on a ouvert une voie avec ce type de bateau : le scow (nez arrondi, étroit, grands foils, ndr). Le bateau va vite tout le temps, il est moins dur que beaucoup d’autres, notamment parce qu’il penche moins. C’est un super bateau, on s’est bien entendu tous les deux. D’ailleurs, je ne serais pas surpris de voir ce type de bateau fleurir assez rapidement dans la classe IMOCA. Sam Manuard a un coup de crayon incroyable. C’était son premier bateau pour le Vendée Globe. Je pense que c’est une grande réussite, sans compter que ce bateau bien né a aussi été bien construit : ce qui a cassé ce sont des périphériques comme les hooks, mais le bateau en lui-même est quasiment intact.»
A l’arrivée tu as parlé d’instants magiques au passage du cap Horn. L’image de ton passage là-bas, à l’autre bout du monde, restera gravée dans ta mémoire ?
« Oui. C’était magique de le voir, ce fameux cap Horn. C’est un endroit mythique qui représente tellement de choses pour un marin…. Et j’ai eu la chance de le voir de très près, en plein jour, de pouvoir en profiter pleinement. Et c’est vrai ce qu’on dit : ce passage du Horn c’est clairement une délivrance. Tu quittes le territoire de l’ombre, c’est le début du retour vers la maison. C’est tout ça… et c’est aussi la première terre que tu vois depuis le départ ! C’était un très, très beau moment de le voir surgir comme ça, devant mes yeux. »
Les chiffres du Vendée Globe d’Armel Tripon en bref :
L’Occitane en Provence a franchi la ligne d’arrivée du Vendée Globe aujourd’hui, lundi 1er février 2021 à 7h27’15’’. Armel Tripon prend la 11e place.
Temps de course : 84 jours, 17 heures, 7 minutes, 50 secondes
Armel Tripon a parcouru 28 315 milles nautiques (soit 4 000 milles de plus que la route théorique la plus courte, aussi appelée orthodromie), à la moyenne de 13,93 nœuds.