Armel Tripon a doublé son avance en 24 heures
Le skipper du trimaran RÉAUTÉ CHOCOLAT est à quatre jours de l’arrivée à Pointe-à-Pitre, envisagée maintenant dans la nuit de mercredi à jeudi. Parfaitement calé dans les alizés, sur la route directe, il file à 20 nœuds de moyenne. Son avance sur les nordistes a doublé en 24 heures : de 150 à 300 milleS ! Mais Armel garde la tête froide. L’arrivée est encore à 1700 milles et la vigilance est de mise.
Armel, hier tu avais 150 milles d’avance sur tes adversaires nordistes, vingt-quatre heures plus tard tu en as 300. Explique-nous…
« C’est sûr qu’on engrange du mille en ce moment ! Eux doivent descendent vers le sud-ouest, pendant que moi je fais route directe à 20 nœuds donc c’est mathématique, ma VMG (vitesse efficace vers le but) est meilleure et donc on creuse sur eux, d’autant plus que je vais vite. C’est bon à prendre parce que j’ai l’expérience de la Drheam Cup où j’avais aussi de l’avance et je me suis fait avoir au final… Pas question de renouveler l’expérience ! En plus, je sais bien aussi lors du tour de la Guadeloupe tu peux vite fait ‘cramer’ un matelas de 100 milles. Donc je ne me relâche pas tout en naviguant safe. C’est toujours la même histoire de curseur entre vitesse et sécurité. »
Comment s’est passée ta nuit ?
« J’ai eu un alizé un peu plus fort que prévu, ça contribue aussi à creuser l’écart en ma faveur. La nuit a été un peu tendue, un peu mouvementée, avec le vent qui est monté jusqu’à 27 nœuds alors que j’étais sous grand gennaker. Donc j’ai roulé un peu, fait deux ou trois manœuvres, c’était rythmé mais j’ai quand même réussi à bien me reposer. »
Physiquement tu as repris du poil de la bête ?
« Je vais dix fois mieux qu’il y a encore deux jours, rien à voir ! J’ai vraiment bien récupéré du début de course qui avait tiré à fond sur l’organisme. Je ne dirais pas que je suis à 100%, mais vraiment pas loin ! Les voyants sont au vert aussi de ce côté-là et tant mieux parce que je vais en avoir besoin pour être le plus lucide possible, gérer le mieux possible mon avance. Cette nuit j’ai remis des milles à Alex Thomson (qui navigue derrière lui dans une autre catégorie de bateaux, les IMOCA) et ça fait plaisir aussi parce que si je peux arriver troisième au scratch dans quatre jours derrière les Ultimes de Francis (Joyon) et François (Gabart), ce serait une belle cerise sur le gâteau, même si c’est anecdotique ! Quel final entre Macif et Idec, ça va être tendu jusqu’au bout ! François a sûrement un problème technique et Francis lui met une pression de dingue ! Si ça se trouve ça va se jouer autour de l’île cette affaire-là. »
Tu gères un peu plus en sécurité la vitesse du bateau ?
« Un petit peu, oui. Je me contente de 20 nœuds de moyenne, même si parfois je pourrais aller un peu plus vite. Je navigue un peu plus bas, j’ouvre les voiles un peu plus, je n’hésite pas à prendre un ris quand le vent monte. Pour espérer un bon résultat, il faut d’abord arriver de l’autre côté et ce n’est pas le moment de faire de bêtises ! Ce serait une grosse erreur de croire que c’est déjà gagné. On sait bien que tout peut arriver à encore 1700 milles de l’arrivée : avoir un problème matériel, taper un OFNI, voire un autre bateau de plaisance ou de commerce. Cette nuit j’ai doublé un bateau qui n’était pas visible sur l’AIS, ça fait drôle ! La probabilité est faible mais elle existe… donc je fais très attention. »
Quelles conditions attends-tu pour les heures qui viennent ?
« L’alizé va se renforcer à 25 nœuds et les derniers jours vont être plus musclés à partir de ce soir. Je me prépare à ça : je vais réduire la toile et changer de voile d’avant ; on a fait spécialement pour cette course un petit gennaker de capelage (c’est-à-dire qu’il ne va pas jusqu’en haut du mât) qui devrait bien me servir maintenant pour naviguer stable, toujours rapide et en sécurité. Je m’y prépare sereinement, aujourd’hui, tous les voyants sont au vert et je veux continuer à naviguer le plus proprement possible. Ce qui passe par bien gérer le bonhomme, bien récupérer, bien manger et naviguer rapidement mais pas furieusement, comme on dit souvent. »
Quel jour penses-tu arriver à Pointe-à-Pitre ?
« A priori dans la nuit du 14 au 15 novembre, quelque chose comme ça. Mercredi soir ou jeudi matin. »