Cap Leeuwin !
Au cap Leeuwin (Australie), Armel Tripon raconte ses grandes premières et d’où viennent ses rêves de tour du monde
L’Occitane en Provence a franchi la longitude du cap Leuuwin, au sud-ouest de l’Australie, ce vendredi 18 décembre à 12 heure . Entre Bonne Espérance et le cap Horn, c’est le deuxième des trois grands caps mythiques du tour du monde. Nous avons joint Armel Tripon en mer pour ce moment symbolique. Il nous a raconté pourquoi il vit un rêve de jeunesse et en quoi il collectionne les « premières fois » depuis 40 jours.
« Le décor est somptueux. La mer est courte. Il y a 25 nœuds de vent, le bateau glisse dans un rayon de soleil. C’est magique. Si le cap Leeuwin est un peu moins célèbre que le cap de Bonne Espérance et le Horn pour les marins, il est aussi très symbolique… » Armel Tripon est à la fois actif (le bateau va vite) et contemplatif aujourd’hui. Ce vendredi 18 décembre fera date dans sa carrière de skipper. Jamais il n’a navigué aussi loin, jamais aussi longtemps, jamais dans les quarantièmes rugissants… en attendant les cinquantièmes hurlants.
Le Grand Sud Austral où rien n’arrête ni le vent ni les vagues
Le cap Leeuwin c’est le cœur du « Pays de l’Ombre », le Grand Sud austral où rien n’arrête le vent et les vagues. C’est aussi le moment où les skippers du Vendée Globe commencent à regarder vers le Pacifique et se disent qu’ils vont probablement réussir à vaincre cet océan Indien de tous les dangers. C’est le moment oùl’on commence à penser jusqu’au cap Horn. il faudra auparavantpasser la longitude de la Tasmanie (d’ici trois à quatre jours pour L’Occitane en Provence). Ce sera aussi une étape importante, car c’est à partir de la Tasmanie que l’on cesse de s’éloigner géographiquement des Sables-d’Olonne et que l’on commence enfin à s’en rapprocher.
A l’occasion de ce passage du cap Leeuwin, nous avons demandéà Armel Tripon les « grandes premières » qu’il estime avoir vécu sur cette première moitié de Vendée Globe. Les voici :
Les premières d’Armel Tripon sur ce Vendée Globe
Première navigation dans les quarantièmes Rugissants
« Les quarantièmes, oui c’est une grande première pour moi. On ne peut pas les résumer en quelques mots, ce sont des latitudestellement vastes, sur lesquelles on navigue tellement longtemps pendant un Vendée Globe ! Et j’y rencontre tellement de vents et de conditions de mer différents… Mais ce qui les caractérise je dirais que c’est une lumière étrange et surtout des nuits d’une pureté incroyable, sans pollution aucune, qui me font penser à une sorte de jour originel. On a le sentiment d’y être vraiment minuscule par rapport à la nature. Naviguer dans les quarantièmes est un grand moment dans ma vie de marin, c’est très symbolique. Je me pince pour y croire tellement je trouve cela beau. »
« J’avais 20 ans, nous rêvions de partir autour du monde »
Premier cap de Bonne Espérance
« Bonne Espérance est très symbolique également parce que c’est la porte d’entrée du Grand Sud, dans les mers australes. Franchir ce cap m’a remémoré le projet que nous avions monté avec deux amis lorsque j’étais au centre de voile des Glénan. J’avais 20 ans et avec mes deux copains, nous rêvions de faire le tour du monde à la voile. Nous étions allés vraiment loin dans notre projet, mais finalement nous n’avons jamais pu partir. Je ne cesse d’y penser. Car aujourd’hui, des années plus tard, je réalise ce rêve : je me retrouve à naviguer autour du monde, à la barre d’un voilier de course magnifique. C’est un sentiment d’autant plus fort que l’unde mes deux amis est décédé depuis. Je suis toujours très proche de l’autre, Manu, qui se reconnaitra. A l’époque, nous étions juste de jeunes ‘voileux’ passionnés qui apprenaient la croisière, la navigation au large. A Paimpol, un bouquiniste nous gardait les livres de mer des éditions Arthaud et on dévorait les bouquins de Moitessier, des Damien, tous les grands récits de voile au long cours, autour du monde. Ce sont ces livres et ce projet avec mes copains qui ont construit mon imaginaire. Au point que j’ai parfois l’impression de naviguer dans un livre. Me retrouver ici, dans les mers australes, ravive ces souvenirs. C’est très fort. »
Premier albatros
« Le tout premier que j’ai vu, le 2 décembre, j’étais comme un enfant ! Il y en a beaucoup dans l’océan Indien, mais on a l’impression que c’est toujours le même qui plane autour du bateau. Ce matin encore j’allais changer une voile à l’avant du bateau, il y avait du vent assez fort, du soleil… et un albatros planait juste à côté de moi. Je le voyais monter, descendre, jouer, chercher l’équilibre avec le vent et les vagues. Ils font de micro–réglages sur leurs ailes, c’est fascinant. Vraiment magique à observer ! On ne trouve ces grands oiseaux qu’ici. Ils sont le symbole des marins qui vont loin. Ils nous accompagnent. J’adore. »
Premier lever de soleil austral
« C’était le 9 décembre. C’est grandiose. Un lever de soleil à 2h du matin qui embrase l’immensité de l’océan. Là aussi ce genre d’événement remet l’humain à sa place, tout petit dans la nature. C’est ce qui caractérise ce tour du monde : sans cesse il exige de relativiser, de rester humble. Sans cesse l’immensité me renvoie à des questions existentielles, celles où l’être humain prend conscience qu’il n’est qu’une infime partie de l’univers. Qu’il fait partie de la nature, qu’il est de passage, mais qu’il n’est pas au-dessus de la nature. Parfois les conditions me le rappellent de manière brutale, quand le vent et la mer se lèvent fort. Parfois c’est avec un lever de soleil paisible et magnifique.»
Première fois aussi longtemps en mer
« Déjà plus de quarante jours seul en mer ! Jusqu’ici je n’avais jamais dépassé vingt-cinq jours. Et c’était sur une traversée de l’Atlantique Nord, donc dans une ambiance très différente. Là, quarante jours en solitaire sur des océans aussi éloignés de la civilisation, c’est une première à tous points de vue. Je ne trouve pas cela long, car mon rapport au temps a changé totalement. Par exemple, il faut que je regarde un calendrier sur mon ordinateurpour savoir quel jour de la semaine nous sommes ! J’ai perdu cette notion-là, je ne sais pas si on est jeudi, vendredi ou samedi. Même si on ne perd pas complètement le contact avec la terre, avec les vacations et les prises de fichiers météo qui rythment la journée, il est évident que mon rapport au temps est très différent de celui que j’ai à terre. Et il y a beaucoup de choses à faire à bord, c’est très rythmé. J’ai l’impression que le tempspasse vite ! »
Toujours aussi agréable à lire
Un homme humble qui va au bout de ses rêves, de sa passion et qui en plus sait les partager.
Pour moi peu importe la place que vous aurez aux Sables, pas pour vous sans doute et cela se comprend !
Mais à l’arrivée un livre mêlant textes, photos et aquarelles me permettra de continuer à rêver… et dans un monde où l’on ne rêve plus souvent ce n’est pas essentiel… c’est vital
Bonjour Armel
Je vous félicite d’avoir bouclé ce Vendée globe et vous remercie des bons moments partagés ensemble au travers de vos différents messages vidéos et vocaux.
J’espère vous revoir bientôt en mer avec un beau tout neuf dans les mois à venir.
Pourriez vous m’envoyer la play list musicale embarquée sur ce long périple.
Prenez soin de vous
Bien à vous
Benoît de Caen en Normandie