Route du Rhum : pourquoi être au départ est une victoire pour Armel Tripon
Tenant du titre de la Route du Rhum – Destination Guadeloupe en Ocean Fifty, Armel Tripon sera bel et bien au départ de la prestigieuse transatlantique en solitaire, dimanche à Saint-Malo. C’était loin d’être gagné ! C’est même déjà une grande victoire, car en avril le skipper nantais avait perdu son mât en chavirant à bord de son trimaran Les P’tits Doudous. Au terme d’une folle saison, l’équipe d’Armel Tripon a déployé des trésors d’énergie, de système D et d’innovations pour réussir cet exploit. Avec l’aide précieuse d’une entreprise… de l’aéronautique.
Quand il s’élancera dimanche sur la ligne de départ de la Route du Rhum – Destination Guadeloupe, Armel Tripon pourra se retourner avec soulagement, voire avec satisfaction, sur sa folle saison 2022. Car honnêtement, quand il chavira seul à bord de son trimaran Les P’tits Doudous en avril au large du Portugal – fortune de mer qui entraîna la perte du mât de son bateau – personne n’imaginait que le skipper nantais pourrait s’aligner au départ de la Route du Rhum – Destination Guadeloupe sept mois plus tard ! Les connaisseurs du milieu de la course au large savent que les fabricants de mâts sont totalement débordés. Et donc que construire un autre mât dans un délai aussi court était mission impossible.
Mais Armel Tripon ne s’est pas résigné. Avec l’aide précieuse de toute son équipe, il s’est battu. Récupéré par les sauveteurs portugais, il a organisé le sauvetage du bateau confié au spécialiste Adrien Hardy, puis l’équipe a retourné ciel et terre pour trouver des solutions, avec l’obsession d’être au départ de la Route du Rhum. Le Team du trimaran Les P’tits Doudous a gagné une folle course contre la montre, via un plan en plusieurs étapes menées de front. Ce plan a consisté d’abord à louer un mât de secours à un autre concurrent de la classe Ocean Fifty (en l’occurrence Sam Goodchild) pour continuer à s’entraîner… tout en trouvant une solution originale pour disposer de leur propre mât : en construire un neuf par leurs propres moyens, tout simplement !
« 5000 kilomètres en trois jours »
« Tout simplement » est un énorme raccourci. Car pour construire un mât en composites, il faut des moules. Et construire des moules ne s’improvise pas. En outre, c’est impossible en sept mois. Autrement dit, il fallait trouver et louer ou racheter des moules déjà existants, sachant qu’aucun n’était disponible en France. Armel Tripon résume l’aventure : « J’ai appris que les moules du mât d’un ex Crêpes Whaou de Franck-Yves Escoffier, dormaient à ne rien faire dans un chantier. Problème : ce chantier était en Suède … »
Qu’à cela ne tienne, Armel parvient à négocier l’achat de ces moules avec le chantier suédois. Encore faut-il aller chercher les moules… et trouver une entreprise capable de les utiliser pour construire un nouveau mât ! « On est allé chercher les moules par la route avec mon boat captain Vicent Barnaud » témoigne Armel Tripon, « On a fait 5000 kilomètres en camion en trois jours. C’était un sacré road trip ! »
Trouver des moules est inespéré. Sauf que cela ne sert à rien si aucune entreprise capable de les utiliser pour fabriquer un mât neuf n’est disponible. Donc, parallèlement à l’aventure en Suède, Armel Tripon et toute son équipe se démènent pour trouver à la fois des financements (« car un chavirage, c’est aussi une très mauvaise affaire côté finances… ») et une solution technique originale. Le skipper, aidé et soutenu par Nolwenn Febvre, Présidente et fondatrice des P’tits Doudous, et l’ensemble des associations locales, fait fonctionner à fond son réseau – notamment celui des entreprises qui soutiennent Les P’tits Doudous – et déniche une entreprise… du secteur aéronautique, Duqueine Atlantique, capable d’utiliser les moules suédois pour fabriquer un nouveau mât. Une équipe technique dédiée est créée, associant des spécialistes de la construction de voiliers à ceux de l’aéronautique de Duqueine. Et ça fonctionne ! Pourtant très technique, l’opération sera menée à bien en un temps record. Quelques semaines avant le départ de la Route du Rhum, Armel Tripon a ainsi pu disposer d’un mât neuf « évidemment à la jauge Ocean Fifty, respectant le cahier des charges que nous avons fixé, avec toutes les fonctionnalités d’un mât qui aurait été construit chez un fabricant classique et une qualité aux standards exigés pour les avions », assure le skipper des P’tits Doudous.
Voilà comment Armel Tripon et son équipe sont passés en quelques semaines de l’impossible au possible, d’une énorme déception à un grand espoir, d’un hélitreuillage en pleine mer au départ de la Route du Rhum. Belle histoire ! Dimanche, quand sera donné le départ de la course devant Saint-Malo, lui et toute l’équipe des P’tits Doudous auront déjà le sentiment du devoir accompli, la satisfaction d’une belle réussite. Et chez Duqueine Atlantique, pour une fois on sera aussi fiers de voir un bateau naviguer qu’un avion voler. Armel Tripon résume : « J’ai déjà gagné la Route du Rhum, je n’ai pas de pression du résultat… Etre au départ est la première victoire. Etre à l’arrivée sera la deuxième ! »
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